Calendrier de travail

Jeudi 13 mai 1915

Messe dans les ruines À Houthem, une violente explosion secoue la maison d’Henri Bosquart, située aux « Quatre Vents ». Un shrapnel cause la mort de quatre soldats allemands sur place. Par miracle, la famille Bosquart s’en sort indemne, sans la moindre égratignure. À Comines (France), l’on s’étonne que des villes comme Lille, Roubaix, Roncq, ou encore celles situées en Belgique ne soient pas soumises à la même contribution de guerre. À Messines, une messe catholique se tient au milieu des ruines, sous un déluge de mitraille. Les troupes anglaises et canadiennes évitent désormais de traverser Ypres pour rejoindre le…

Vendredi 14 mai 1915

Des gendarmes allemands à Houthem Des gendarmes allemands s’installent à Houthem, marquant une nouvelle étape dans l’organisation de l’occupation. Les hommes envoyés en renfort du côté d’Arras rentrent à Comines, visiblement éprouvés par les combats. THE GERMAN ARMY ON THE WESTERN FRONT, 1914-1918 (Q 53735) A column of German troops marching up the line somewhere on the Western Front, May 1915. Copyright: © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205080307 Les troupes allemandes franchissent un temps le canal jusqu’à Zuidschote et au pont de Boezinghe, mais elles sont repoussées. À Steenstrate, la lutte reste acharnée. Le journal néerlandais De Telegraaf témoigne de l’horreur…

Samedi 15 mai 1915

Brassera, brassera pas Alors que l’incertitude règne encore quant au fonctionnement futur des brasseries cominoises, une nouvelle tombe à 16 heures : les brasseurs peuvent finalement continuer à travailler pour leur propre compte, mais seulement jusqu’au mardi 18 inclus. Dans un communiqué, l’armée allemande reconnaît un échec sur le front situé entre Armentières et Arras. De son côté, le maréchal French reprend la rive est du canal de l’Yperlee, à hauteur de l’écluse de Boezinge. THE BRITISH EXPEDITIONARY FORCE ON THE WESTERN FRONT, 1914-1915 (Q 61653) The river Yperlee exposed due to damage to the roads by shell fire at…

Dimanche 16 mai 1915

Un espion à Warneton Depuis quelques jours, une pluie continue s’abat sur la région. Sur le front, un calme inhabituel règne, un de ces silences rares que la guerre accorde parfois. À la chapelle, les fidèles se pressent nombreux aux offices : il faut arriver au moins vingt minutes à l’avance pour espérer trouver une place. Jean-Baptiste Delporte – Fonds SHCWR Juste après les vêpres, on vient prier Monsieur le Curé Jean-Baptiste Delporte de se rendre immédiatement à la commandanture. Il s’y rend sans tarder et y trouve le commandant seul, visiblement de bonne humeur. Souriant, ce dernier le rassure…

Lundi 17 mai 1915

Dernier brassin La circulation entre Wervicq et Comines Belgique est à nouveau interdite. Il est désormais impossible de franchir la barrière du chemin de fer, rue de Wervicq. Aucun passeport n’est délivré. Le transport des farines américaines en provenance de Courtrai est étroitement surveillé : chaque convoi est désormais accompagné par un gendarme. Partout ailleurs, les difficultés de déplacement sont tout aussi sévères. À Comines France, les restrictions sont encore plus drastiques : il est formellement interdit de quitter la ville, que ce soit vers Wervicq ou vers tout autre point cardinal. Tous les laissez-passer sont suspendus, sans exception. Les…

Mardi 18 mai 1915

Difficile de se rendre à Wervicq À Comines France, tous les hommes âgés de 17 à 50 ans sont désormais tenus de se faire inscrire. Une nouvelle mesure imposée par l’occupant, qui alimente l’inquiétude. À la brasserie Dumortier, l’heure est au branle-bas de combat. Il faut tout remettre en ordre, car dès demain, les Allemands en prendront le contrôle pour y brasser eux-mêmes. Depuis plusieurs jours, le front semble étonnamment silencieux. Le grondement des canons se fait rare. Pourtant, dès la tombée de la nuit, du côté de Pérenchies et au sud de Lille, les détonations reprennent, régulières. Le crépitement…

Mercredi 19 mai 1915

A Ypres, on évacue les objets du culte. Le IIe corps d’armée bavarois prend possession de la brasserie Dumortier. Celle-ci est alors en pleine activité. Toutes les matières premières encore disponibles sont aussitôt réquisitionnées, contre un simple bon de prise. L’installation des équipements pour la production de limonade se poursuit sans relâche. Des camions déversent sans cesse des bouteilles vides, en prévision des productions à venir. Vers 16 h, un groupe composé de l’intendant, de trois officiers et d’un interprète fait son apparition. Après une inspection rapide des installations, ils demandent à voir le bureau. L’ordre tombe aussitôt : le…

Jeudi 20 mai 1915

Concert à Messines À la brasserie Dumortier, les soldats réalisent leur tout premier brassin, épaulés par les ouvriers et cinq hommes de troupe. L’activité reprend, mais désormais sous la supervision militaire. Dans le même temps, les signes se multiplient : l’Italie semble sur le point d’entrer en guerre. De nouvelles affiches viennent confirmer ce que tout le monde pressent. Pour l’heure, le front reste étonnamment calme, surtout dans le secteur nord, entre Hollebeke, Zandvoorde et Gheluvelt. Seul le grondement du canon retentit entre Lille et Arras. Sur la route entre Ypres et Menin, les batteries allemandes se déchaînent. Les Anglais,…

Vendredi 21 mai 1915

Des nouvelles troupes à Comines Depuis hier, un officier allemand occupe le bureau de la brasserie Dumortier. Par moments, un soldat-interprète vient l’aider. L’endroit n’est plus accessible aux responsables habituels. À Comines, on voit arriver de plus en plus de troupes allemandes. La ville est en pleine agitation. Des combats aériens ont eu lieu au-dessus de Comines, Houthem et Ten Brielen. Deux aviateurs anglais ont dû se poser en urgence, mais s’en sortent sans blessure. L’offensive allemande attendue sur la route Ypres–Menin a bien eu lieu. Heureusement, les Anglais avaient prévu une ligne de repli. La 28e division, proche du…

Samedi 22 mai 1915

Encore et encore Comme la veille, les troupes allemandes arrivent en grand nombre à Comines. Les bombardements se poursuivent. Cette nuit, l’usine de Jean-Baptiste d’Ennetières a brûlé pendant cinq heures après avoir été touchée. A l’arrière plan, l’ancienne usine d’Ennetières – Fonds SHCWR La Ville s’organise pour le ravitaillement. Grâce au Comité hispano-américain, les habitants peuvent acheter à prix raisonnables du lard fumé, des langues salées, de la margarine, des pois, des haricots, du lait condensé, des tomates et des pommes de terre. Mais comme plus aucun passeport n’est délivré, il devient difficile de se procurer certains vivres. Pour transporter…

Dimanche 23 mai 1915

Fête de la Pentecôte Le jour de Pentecôte s’annonce radieux, mais il ne change rien à notre condition : nous restons prisonniers dans notre propre ville. Toute circulation est interdite au-delà des barrières et du canal, nous cantonnant à nos réunions du dimanche, parfois suivies d’un court moment au café pour rompre la monotonie. Un Cominois a mis la main sur un numéro de la Gazette de Lausanne : une annonce a particulièrement retenu son attention — un acheteur se dit prêt à acquérir plusieurs millions de cigares de modèle hollandais. Adresse à Adinkerque, en Belgique. Réaction amusée de notre Cominois : « Tiens…

Lundi 24 mai 1915

Nouvelle attaque aux gaz Le soleil brille aujourd’hui encore sur Comines, mais dans les rues, l’ambiance n’a rien de festive. Les cabaretiers, à court de bière, se rendent à la brasserie pour tenter leur chance. Il leur faut patienter : pas de livraison avant une quinzaine de jours. Et encore, à condition d’être inscrits comme débitants autorisés. Même alors, la bière, lorsqu’elle reviendra, sera réservée aux soldats. Au loin, le front se déplace légèrement. Cette fois, les localités de Boezinghe, Zonnebeke et Zillebeke sont les plus touchées. À trois heures du matin, une nouvelle attaque au gaz frappe les lignes…

Mardi 25 mai 1915

Bilan des attaques aux gaz L’agitation est palpable à Comines ce matin. Georges d’Ennetières a été arrêté par deux gendarmes et conduit à la Kommandantur, sous les yeux de sa mère et de son frère Auguste, effondrés. Il est accusé d’avoir fouillé la chambre du lieutenant allemand logé chez lui. Certains objets auraient disparu. Il passera trois jours en prison avant d’être jugé par un conseil de guerre. L’affaire fait grand bruit dans toute la ville. Dans les rues, un autre sujet agite les conversations : la bière manque. Beaucoup de cabaretiers n’ont plus rien à servir. La brasserie Van…

Mercredi 26 mai 1915

A Comines France le pain est à nouveau disponible Le calme persiste à Comines. Rien ne bouge, sinon au sud, où le canon gronde par moments, comme un lointain roulement. L’immobilité est telle qu’aucun passeport n’est encore délivré, et seuls les déplacements liés au ravitaillement de la ville sont tolérés. Un privilège rare cependant : Becquart, le pâtissier bien connu, a obtenu l’autorisation de se rendre à Courtrai à l’occasion. Hier encore, le pain était pratiquement introuvable à Comines-France. Mais ce mercredi, la Coopérative et le boulanger Warlop ont pu à nouveau en distribuer, et de bonne qualité. À Comines-Belgique,…

Jeudi 27 mai 1915

Les Allemands ne concrétisent pas leurs avancées La pénurie continue à se faire sentir dans les estaminets de Comines. L’installation des limonades avance à pas lents, et pour la bière, il faudra encore patienter huit jours. La plupart des cabaretiers, désormais sans rien à servir, sont contraints de fermer. Quelques-uns, notamment du côté du Godshuis, avaient tenté leur chance à Wervicq pour y faire provision, mais un ordre de la Commandantur interdit désormais aux brasseurs de cette ville de fournir des boissons à l’extérieur. Face à cette situation, des Cominois ingénieux se lancent dans la fabrication artisanale de limonade —…

Vendredi 28 mai 1915

La flotte autrichienne rentre en action À Comines Belgique, juste en face de l’église, une drôle de mode s’installe chez les soldats allemands : ils raffolent des photographies prises sur le front. Deux clichés circulent déjà : l’un montre l’aéroplane anglais abattu dimanche dernier, entièrement intact ; l’autre dévoile un profond cratère à St-Éloi, occupé désormais par des troupes allemandes. THE BRITISH EXPEDITIONARY FORCE ON THE WESTERN FRONT, 1914-1915 (Q 52027) British second line defences at St. Eloi, May 1915. Copyright: © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205285664 Pendant ce temps, les épiciers de la ville cherchent une solution pour se réapprovisionner.…

Samedi 29 mai 1915

Vues depuis l’arrière-front allié À Comines, les restrictions s’alourdissent encore. Les autorités allemandes interdisent désormais toute circulation à vélo, en voiture ou en chariot dans la ville. En parallèle, elles annoncent l’achat de différents métaux au poids : cuivre, étain, fer… tout est bon à récupérer. La brasserie Dumortier est peu à peu transformée. Les soldats en prennent pleinement possession. La remise, qui abritait des chevaux depuis novembre, doit désormais être libérée pour devenir un entrepôt à limonades. Des civils sont réquisitionnés pour le nettoyage : ils retirent deux bons pieds de fumier, mêlés de branchages, de cendres et de…

Dimanche 30 mai 1915

De nouvelles troupes En ville, les travaux de fortification se poursuivent. Les laisser-passer sont refusés, même aux commerçants chargés du ravitaillement. Encore de nouveaux soldats sont arrivés, cette fois des Prussiens. THE BRITISH EXPEDITIONARY FORCE ON THE WESTERN FRONT, 1914-1915 (Q 60513) Soldiers of the 1/6th Battalion South Staffordshire Regiment with a carrier pigeon in trench, Hill 60, 1915. Copyright: © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205308072 M. H. Blieck, d’Houthem, est en visite à Comines. Il raconte que les habitants d’Houthem ont été consignés chez eux pendant un certain temps : les Allemands les soupçonnaient d’espionnage à l’aide de pigeons voyageurs.…

Lundi 31 mai 1915

Un Zepplin dans le coin L’entrée de la brasserie Dumortier est désormais interdite. Les propriétaires ont été mis à la porte. Il paraît qu’il y a eu un vol de bière, et par conséquent, les civils ne pourront plus y accéder. Pour les estaminets, les civils n’auront plus rien à voir avec la bière. Les Allemands s’occupent de tout et ont désigné cinq cabaretiers belges et six français pour en vendre exclusivement aux soldats. Les autres n’auront rien, et les bourgeois non plus. Tout cela se fait par échanges de bons pour nos marchandises, sans qu’aucun prix ne soit précisé.…

Mardi 1 juin 1915

Qui prend les risques Henry Dumortier a été convoqué au bureau pour des problèmes de gaz et d’électricité à la brasserie. Ces manquements pourraient entraîner une réduction de son indemnité, initialement fixée à 1.000 marks par mois, et qui passerait à 900 si cela venait à se reproduire. Pourtant, il n’était en rien responsable du manque d’électricité. Quant au gaz, il veillait à fermer le compteur chaque nuit pour éviter les accidents. Il signale d’ailleurs des fuites dans l’installation, réalisée par les soldats eux-mêmes. Il s’en rend compte à la fois par l’odeur persistante dans la cour et par le…

Mercredi 2 juin 1915

Gagné le jour, perdue la nuit À Comines – France, les plaintes se multiplient au sujet des conditions d’hygiène dans la prison réservée aux civils. Les autorités allemandes, pour leur part, justifient la situation en la comparant à celle des prisonniers allemands détenus au Maroc ou au Dahomey, où les conditions seraient bien pires encore. Ce même jour, vers 18 heures, un officier allemand se présente à la brasserie Dumortier pour réquisitionner une chambre inoccupée. Le propriétaire lui en montre une, précisant qu’il peut en disposer librement — sauf du lit, qui doit rester disponible pour une naissance attendue dans…

Jeudi 3 juin 1915

Les cloches sonnent 7 minutes En ce jour de la Fête du Très Saint Sacrement, la communion solennelle est célébrée à Comines-France. Vers 10 heures, les cloches se mettent soudain à sonner à toute volée, tant en France qu’en Belgique. Elles résonnent pendant sept longues minutes. Après un silence aussi prolongé que pesant, leur tintement remue profondément toute la population. Cette initiative n’est pas sans surprise. La veille, un émissaire du commandant de place s’était présenté chez Monsieur le Curé Delporte pour réclamer les clés du clocher. Ce dernier avait répondu qu’il ignorait où elles se trouvaient, précisant que cela…

Vendredi 4 juin 1915

Evacuation de blessés allemands Le contrôle des passeports reste toujours aussi strict. Cependant, face aux nombreuses difficultés rencontrées par la population pour s’approvisionner, les autorités ont fini par autoriser la circulation jusqu’au Godshuis. Il devenait en effet presque impossible de se rendre ne serait-ce qu’à la ferme Bonte pour y chercher un peu de lait. Les cabaretiers, quant à eux, continuent à venir s’approvisionner en bière, cette fois par quantités plus importantes : plusieurs tonnes leur sont désormais attribuées à la fois. Dans le même temps, les épiciers ont été autorisés à se rendre à Courtrai, mercredi, pour y réapprovisionner…

Samedi 5 juin 1915

Violents combats à la sucrerie La nuit a été agitée, avec des coups de canon et des fusillades entendus tout le long du front. À Comines, entre 5 h et 8 h du matin, on a tiré presque sans arrêt sur des avions qui survolaient la ville. Le soir, des coups de feu se font entendre à nouveau, cette fois tout près. Les Allemands brassent de la bière dans les brasseries Dumont et Dumortier à Comines-Belgique. Ils la réservent à leurs propres cafés. Les civils n’ont accès qu’à six établissements pour se procurer de la boisson. À la brasserie Dumortier,…

Dimanche 6 juin 1915

Troupes indiennes Comme prévu hier, le nettoyage des cheminées de la brasserie Dumortier a commencé très tôt ce matin, y compris la grande cheminée. On dit que demain, les pompiers viendront vider les deux viviers de la brasserie sur ordre des médecins. Pourtant, l’eau semble encore bonne, car les poissons y vivent toujours. Impossible de trouver à boire en ville : plus rien nulle part, juste un peu de limonade par endroits. Henri Tytgat a été arrêté à l’église et condamné à huit jours de prison. Pendant ce temps, dans le village de Dickebusch, on voit passer des soldats indiens.…

Lundi 7 juin 1915

A Comines, le vin de messe vient à manquer Aujourd’hui, plus de canon ni de fusillade. Une fois de plus, on peine à croire que la guerre est toujours là. À la brasserie, l’installation pour fabriquer de la limonade est presque terminée. On prévoit de pouvoir produire jusqu’à 40 000 bouteilles par jour. Mais il manquera d’eau. Des bouteilles vides arrivent de partout : les hangars sont pleins, la cour déborde et on en empile déjà dans le jardin. Pour résoudre ce manque d’eau, des tranchées sont creusées pour amener l’eau depuis Halluin, via Ten-Brielen et Hollebeke, jusqu’à Comines par…

Mardi 8 juin 1915

Vous pouvez regarder mon fusil Après une très longue période de sécheresse, le temps devient orageux. Il tombe même quelques gouttes de pluie – c’est vrai, c’est la Saint-Médard. La bière continue à être distribuée aux soldats et aux cabaretiers désignés, qui doivent venir chercher les fûts directement à la brasserie. Chez Madame Dumont, les premiers brassins fabriqués avec l’eau de la Lys ne sont pas très clairs. On décide donc de les laisser aux civils, bourgeois et cabaretiers, à condition qu’ils ne les vendent pas aux soldats. Ils doivent même afficher à leur porte et à leur fenêtre qu’il…

Mercredi 9 juin 1915

Une école de natation sur la Lys Il pleut et il fait chaud. Le soir, un orage éclate. Sur la Lys, une école de natation vient d’être inaugurée, avec une profondeur impressionnante de 8 mètres. La troupe est ravie de cette nouvelle installation. La conduite d’eau venant de Linselles est enfin arrivée à Comines. Mais les travaux ont laissé un sacré désordre : les rues sont éventrées, c’est un cloaque. Même chose dans le jardin de la brasserie Dumortier, où les tranchées, combinées au va-et-vient des bouteilles, ont transformé le sol en véritable bourbier. Beaucoup de Cominois ont été mobilisés…

Jeudi 10 juin 1915

Une oasis en bordure d’une ville détruite. Le jardin de la brasserie Dumortier devient chaque jour un peu plus un dépôt à bouteilles et caisses vides. On y installe maintenant des rails et des wagonnets, venus de chez Goeman, ce qui oblige à abattre encore quelques arbres. Il devient difficile de circuler vers le fond du jardin, pourtant très convoité par les soldats… qui viennent y cueillir des fraises. Au loin, vers le sud de Lille, le grondement des canons ne cesse pas. Pourtant, ici, tout semble calme. Mais chacun s’interroge : combien de temps cela peut-il encore durer ?…

Vendredi 11 juin 1915

Toujours de plus en plus d’ouviers réquisitionnés Fête du Sacré-Cœur. À la brasserie Dumortier, c’est un petit événement : l’officier du bureau remet en main propre à Henry, le patron, la toute première bouteille de limonade fabriquée sur place. La production a commencé doucement aujourd’hui, mais une fois lancée à plein régime, elle pourrait atteindre jusqu’à 40.000 bouteilles par jour, de jour comme de nuit. Dans le jardin de la brasserie, une dernière bande d’herbe intacte attire les soldats : certains s’y allongent pour se reposer, d’autres prennent des photos ou se promènent tranquillement au potager. L’après-midi, à 15h30, un…

Samedi 12 juin 1915

Récolte du foin À la brasserie Dumortier, l’activité est intense. Chaque jour, cinq ouvriers et cinq soldats s’affairent au brassage. Dans l’ancien magasin à bière, le hangar et la cour, cinq à six soldats, dirigés par un sous-officier et aidés d’une quinzaine de civils, s’occupent de la fabrication de sirops et de limonades. Le hangar et la cour débordent de bouteilles vides. Des rails ont été posés entre l’entrée de la brasserie et la porte arrière de la maison, pour faire circuler des wagonnets qui transportent les fûts jusqu’aux chariots, lesquels sortent par l’arrière, derrière la cuisine. Au-dessus de l’écurie…

Dimanche 13 juin 1915

Les cours reprennent Les écoles ont rouvert leurs portes, tant pour les petits que pour les adolescents. La fréquentation est bonne, les élèves reviennent nombreux. À la brasserie Dumortier, un autre cheval s’est échappé et a envahi le potager, causant de nouveaux dégâts. Dans tout le jardin, les arbustes bordant les allées sont piétinés ou brisés par les chevaux et les chariots qui passent sans relâche. Le soir, pour boire un verre de bière, il faut désormais traverser la frontière et aller en France : en Belgique, il n’y en a plus. Ce dimanche, on a brassé comme un jour…

Lundi 14 juin 1915

Concert à la Paix Depuis quelques jours, le temps reste beau, bien qu’un peu frais. Cela favorise les vols d’aéroplanes, nombreux dans le ciel. Certains pilotes sont d’une audace folle et volent à très basse altitude. On les vise fréquemment, si bien que des éclats de shrapnels et des balles de mitrailleuses retombent parfois tout près des habitants. flechette (AIR 232) This German flechette (aerial dart) was found after a Zeppelin raid on the night of 19/20 January 1915, in the vicinity of Glanford, on the North Norfolk coast. German Navy Airships L3 and L4 were both involved during this…

Mardi 15 juin 1915

Combats violents à Armentières Le commandant de place a proposé à Jules Van der Mersch de se lancer dans le commerce de vins. Le vin serait fourni par les autorités militaires, récupéré à la gare, puis vendu en pièces ou demi-pièces, avec un bénéfice fixé par la Commandantur. Après réflexion, la brasserie Dumortier et les autres brasseurs ont décliné l’offre pour plusieurs raisons. Dans le ciel de Comines, des avions alliés volent à basse altitude. Ils sont visés par des tirs au sol, mais leurs cocardes sont bien visibles, preuve qu’ils appartiennent aux forces alliées. BRITISH AIRCRAFT OF THE FIRST…

Mercredi 16 juin 1915

Vengeance À Comines France, les autorités imposent aux habitants de veiller à la propreté de leurs trottoirs. Toute négligence est sanctionnée d’une amende de 25 francs, soit 20 marks. Une exigence difficile à respecter, alors que la boue et la poussière règnent dans les rues. Georg Lill retrouve son « Maître », revenu de congé. À la brasserie Dumortier, l’activité est à l’arrêt : on ne brasse plus depuis lundi, par manque d’eau. Soldats et cabaretiers désignés doivent se passer de bière et de limonade, déjà rationnées ces derniers jours. Cela fait maintenant trois jours sans rien à servir. Depuis lundi, les…

Jeudi 17 juin 1915

Avancées anglaises à Hooge À Comines, de nouvelles recrues allemandes font leur apparition dans les rangs du 18e et du 5e régiment. Très jeunes, presque adolescents pour certains, ces soldats semblent à peine sortis de l’enfance. Leur inexpérience tranche avec l’épuisement des anciens. L’activité militaire s’intensifie encore : dix énormes camions allemands viennent alimenter le parc des pionniers en obus, dans la section belge de la ville. Ce dépôt prend des proportions inquiétantes. Une scierie a même été installée à l’arrière, signe que les préparatifs se poursuivent à un rythme soutenu. Fonds SHCWR À la brasserie Dumortier, Henry met les…

Vendredi 18 juin 1915

Départ pour Arras Le nettoyage du générateur de vapeur se poursuit à la brasserie Dumortier. Une prise de vapeur est effectuée pour le nettoyage des bouteilles. À 13h, départ précipité d’une partie du 18e et du 17e Bavarois, présents à Comines depuis plus de six mois. Le reste des troupes partira lundi. Tous sont Bavarois. Le soir, de nouveaux soldats arrivent : ce sont des Saxons. Pour le trajet, ils ont retourné les insignes de leurs casques et de leurs épaulettes, et recouvert les étiquettes des chariots de papier. Dans la journée, le carillon se remet à jouer ses anciens…

Samedi 19 juin 1915

Changement de régiment Avant 16h, un avion allié survole Comines pendant plus d’une heure, sans doute à cause des mouvements de troupes qui se poursuivent. Les nouveaux soldats occupent déjà les logements des anciens. Le 242e régiment saxon, de la IVe armée du prince de Wurtemberg, arrive de Belgique. Les hommes, épuisés, trouvent rapidement refuge dans les casernements prévus. Le reste de l’armée arrivera après le départ du 18e. Les épiciers peuvent se rendre deux fois par semaine à Courtrai, les mercredis et samedis. Joseph Plovier est leur délégué. Pour la Ville, les livraisons arrivent de Courtrai chaque mercredi, parfois…

Dimanche 20 juin 1915

Les saxons sont à Comines Les Bavarois et les Saxons ne s’entendent guère. Les Bavarois, un peu exubérants, fêtent leur départ prochain. Les Saxons retirent toutes les décorations et inscriptions de leurs uniformes. Un avion revient longuement vers 16h. Chaque nuit, on entend par moments le canon ou des fusillades. Aucun fait marquant ne se produit, sauf peut-être dans la région de Douai-Arras, où le canon gronde en continu. Le carillon cesse de jouer ses airs dès vendredi soir. Georg Lill obtient son congé. Quatre bataillons occupent en permanence les premières lignes. Le grand poste de secours anglais installé à…

Lundi 21 juin 1915

Les Saxons s’installent À Comines, les rues sont encombrées de voitures, fourgons, fourneaux, caissons, cuisines et sections de mitrailleuses. Les militaires, visiblement très fatigués, circulent sans relâche. Vers 16h, un avion passe à nouveau. On entend clairement le moteur, car il vole bas. THE FRENCH ARMY ON THE WESTERN FRONT, 1914-1918 (Q 61580) A French St. Étienne Mle 1907 machine gun mounted as anti-aircraft gun on top of Hazebrouck church tower, March 1915. Copyright: © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205308994 Dans l’après-midi, le 17e, installé rue de Wervicq et rue Neuve, quitte la ville. Les rues sont en pleine effervescence. On…

Mardi 22 juin 1915

Combats aériens au dessus de Messines Grand passage de troupes pendant la nuit. Après trois jours d’arrêt, la brasserie Dumortier reprend ses activités avec intensité. On y travaille même le dimanche. Chez Dumont, en revanche, on ne brasse toujours pas : voilà quinze jours que l’usine est à l’arrêt. Samedi, pour la première fois, Henry Dumortier reçoit l’indemnité mensuelle. Dès ce jour, il doit participer pour moitié aux frais de réparation de la brasserie. Par exemple, la soupape de la chaudière à moûts est cassée et remplacée par un robinet en bronze. Il doit payer quinze marks. Il proteste en…

Mercredi 23 juin 1915

Tracts Français sur Comines Des aéroplanes français jettent des tracts sur la ville. Ramasser ces papiers est interdit, sous peine d’être considéré comme espion. À Comines, les chasseurs verts saxons partent au front ce soir. Ils ont une allure moins lourde que les Bavarois, mais aussi moins vive. Les Cominois les observent comme des bêtes curieuses. Quelques soldats du 17e reviennent à Comines pour récupérer des bagages. Ils disent être stationnés à Brebières et à Vitry, où la lutte est très violente. Ici, on entend toujours le canon vers Douai et plus près encore, vers Frelinghien. Sur le front de…

Jeudi 24 juin 1915

Gros calibres sur Messines Le travail des limonades s’intensifie chaque jour, car les soldats n’ont plus le droit de boire de l’eau. On produit actuellement 8 000 bouteilles par jour, et dès lundi, le service de nuit en ajoutera 6 000. Le va-et-vient des chariots devient impressionnant. La cour de la brasserie Dumortier reste encombrée du matin au soir, avec souvent six ou sept chariots qui attendent dans la rue. À Comines, le prix du pain augmente. À Ypres, le prêtre Camille Delaere surprend des soldats anglais en train de piller sa réserve de vin. Sur 3 200 bouteilles, seules…

Vendredi 25 juin 1915

Percée allemande Un sous-officier arrive pour superviser la fabrication de la bière. Il dirige le travail. Le soir, le matériel pour le filtrage, un filtre Entzinger, est livré. Georg Lill raconte une tentative de percée nocturne allemande vers les lignes anglaises, visant à récolter des informations sur les défenses adverses. À 0h15, une troupe de 52 hommes, menée par un lieutenant, sort des tranchées. Le mauvais temps semble leur être favorable, mais la lumière de la demi-lune reflète sur les nuages et rend les mouvements visibles à près de 100 mètres. Les Anglais laissent les Allemands s’approcher sans tirer, jusqu’à…

Samedi 26 juin 1915

5 victimes à Comines Les vivres deviennent rares. Souvent, il n’y a plus de viande. Heureusement, la Ville commence à vendre de la viande en conserve à prix abordable. Les récoltes sont en grande partie réquisitionnées par l’armée, qui interdit aux fermiers d’y toucher. Le foin dans les prés est fauché pour les besoins militaires. Le bourgmestre promet un bon de réquisition. Les cinq dernières victimes du raid d’hier sont ramenées à Comines et enterrées avec les honneurs au cimetière militaire. Georg Lill s’indigne : le commandant du secteur traite les morts de lâches, sous prétexte que la mission a…

Dimanche 27 juin 1915

Une permission en famille Aujourd’hui, on ne brasse pas, mais la production de limonade continue. Chaque nuit, depuis plusieurs jours, les combats reprennent avec intensité vers Hollebeke-Zandvoorde. Certains soirs, on entend une fusillade nourrie, assez proche. THE GERMAN ARMY ON THE WESTERN FRONT: 1914-1915 (Q 45534) The railway bridge at Hollebeke Copyright: © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205080190 À Comines France, les Saxons, majoritairement protestants, s’installent dans l’église, au grand désarroi des paroissiens. Georg Lill part en permission de 9 jours vers Schifferstadt. Il voyage via Lille, Sedan, Metz et Sarrebrück, et arrive à 2 h 30 du matin. Il passe…

Lundi 28 juin 1915

Une perm en famille Le service de nuit pour les limonades commence. Comme en journée, six à sept soldats dirigent une quinzaine de jeunes civils. Les soldats logent à la brasserie Dumortier. On fabrique donc des lits dans tous les recoins du grenier, en utilisant planches, vieux bois et ferraille, qui diminuent de jour en jour. Dans le jardin, de nombreux fruits — fraises, groseilles, pommes, poires, framboises encore vertes — sont arrachés autant par les gamins, qui percent le grillage, que par les soldats et les jeunes civils. La semaine dernière, nous avons dû faire les confitures de fraises…

Mardi 29 juin 1915

Eglise partagée Hier soir, fusillade et canonnades très nourries du côté de Zandvoorde. Le temps, nuageux et froid depuis plusieurs jours, ne permet plus les vols d’aéroplanes. À la brasserie Dumortier, on doit vider le dernier grenier où sont entreposés des fûts hors d’usage, du mobilier d’estaminet, du bois et du fer, pour y installer des lits pour les soldats. Les jeunes civils doivent fournir un échantillon d’urine. Le service de nuit pour les limonades est aussi intense que celui du jour. On produit actuellement 20.000 bouteilles par jour. On brasse aussi chaque jour, mais la bière se vend moins…

Mercredi 30 juin 1915

On mange du chien Hier soir, nouvelle fusillade et canonnade. Depuis que plus aucun journal n’entre à Comines, nous restons sans nouvelles de l’extérieur. Pour sortir de Comines, il faut un passeport, dont l’obtention dépend de nombreuses conditions difficiles à remplir. Arrivée importante de blessés allemands à Comines, comme les jours précédents. Les Allemands reconnaissent avoir perdu deux tranchées. Cinq chiens tués par des éclats d’obus sont ramenés du front ; le commandant Faber les met généreusement à disposition des civils pour la consommation. Les Sœurs d’Orléans restent enfermées chez elles, dans une petite chapelle à l’étage. Bombardements intenses sur…

Jeudi 1 juillet 1915

Travailler pour les Allemands Le calme revient. Pourtant, selon les soldats, un grand coup se prépare du côté d’Ypres. THE GERMAN ARMY ON THE WESTERN FRONT, 1914-1918 (Q 53879) German troops in an observation post in a house on the Western Front, July 1915. Copyright: © IWM. Original Source: http://www.iwm.org.uk/collections/item/object/205081405 À Roubaix, Halluin, Quesnoy et Bousbecque, les habitants refusent de fournir de la main-d’œuvre aux Allemands. En représailles, les autorités ferment les villes, prennent des otages et interdisent toute sortie après 16 heures. À Comines, la rumeur circule : 500 ouvriers seraient réquisitionnés pour fabriquer des claies de tranchées, payés…

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