La « spécial brigade » au travail.

Le réveil est brutal, à quatre heures du matin. Le canon roule sans interruption du côté de Gheluvelt. Le ciel, malgré la nuit claire, est en feu. Jamais on n’a vu lueurs aussi vives, canonnade aussi proche et aussi nourrie. Les maisons tremblent, il est impossible de dormir.
À cinq heures trente précises, quatre cents groupes anglais lâchent simultanément leurs gaz. Tout est minuté à la seconde près, synchronisé par chronomètres. L’artillerie allemande réplique aussitôt, mais ses tirs sont inefficaces dans ce brouillard toxique. Conformément aux ordres inscrits dans leur diary, les hommes de la “Special Brigade” ouvrent six cylindres de chlore, puis lâchent des fumigènes à intervalles réguliers, reprennent le chlore, et ainsi de suite. Leur discipline glaciale ouvre la voie à l’infanterie, qui progresse de plus de quatre mille mètres dans les lignes ennemies.

Trois mille prisonniers, tous pris de nausées, sont capturés, ainsi que seize canons. Pourtant, le succès est éphémère : dès le 3 octobre, les Allemands reprennent leurs positions, réduisant à néant l’effort consenti. Les pertes anglaises sont lourdes, particulièrement chez les troupes écossaises, victimes de leur ardeur pour avoir dépassé les objectifs fixés.
Vers six heures, la canonnade ralentit, mais le grondement se poursuit sans discontinuer toute la journée. La nuit précédente, le feu avait déjà été intense sur d’autres secteurs du front.
À midi, une alerte secoue Comines : une partie du 17e et du 9e se rassemble et se dirige vers la gare. Les voitures et les bagages ne quittent la ville que dans la soirée.
À seize heures, les funérailles de Monsieur Debacker se déroulent sans présence de soldats. Ils renoncent à la couronne promise et la remplacent par quinze marks, non sans avoir demandé au préalable si c’était l’usage ici.
Au même moment, les Alliés lancent une offensive : les Français en Champagne, les Anglais en Artois, à Loos. Mais partout, les lignes adverses tiennent bon.
