Nouvelle attaque aux gaz

Le soleil brille aujourd’hui encore sur Comines, mais dans les rues, l’ambiance n’a rien de festive. Les cabaretiers, à court de bière, se rendent à la brasserie pour tenter leur chance. Il leur faut patienter : pas de livraison avant une quinzaine de jours. Et encore, à condition d’être inscrits comme débitants autorisés. Même alors, la bière, lorsqu’elle reviendra, sera réservée aux soldats.
Au loin, le front se déplace légèrement. Cette fois, les localités de Boezinghe, Zonnebeke et Zillebeke sont les plus touchées. À trois heures du matin, une nouvelle attaque au gaz frappe les lignes anglaises. Le vent pousse les vapeurs toxiques vers l’arrière : Westoutre, Loker, Poperinghe. Rien ne semble épargné. Les légumes flétrissent sur place, les épinards, les salades, même le lin, noircis au sommet par l’effet du gaz. Du sommet du Scherpenberg, on sent encore les relents de cette arme invisible.
Les soldats britanniques, pris de douleurs, affluent vers les hôpitaux de campagne de Westoutre. Parmi eux, certains ont dû improviser une protection de fortune : un simple chiffon, bien vite remplacé par une cagoule trempée dans une solution glycérinée. C’est tout ce qu’on a pour résister à ces attaques prolongées. Le bois du Sanctuaire, quant à lui, devient un enfer : cinquante-trois morts parmi les trois mille deux cent quatre-vingt-quatre hommes gazés.

À Comines, on parle aussi d’un fait qui fait frémir : un habitant de Sainte-Marguerite a écopé de deux ans de prison. Son crime ? Avoir osé rire devant un portrait de l’Empereur d’Allemagne. Même un sourire peut coûter cher, par les temps qui courent.