Les rats envahissent les tranchées

Les nuits sont toujours plus agitées que les jours. Depuis dimanche, chacun redoute les obus qui peuvent s’abattre à tout instant.
Les civils affectés au service de nuit arrivent à 17 heures. Mais à partir de 19 h 30, ils cessent leur travail, prennent leur repas puis s’endorment dans la brasserie jusqu’au départ du lendemain à 5 heures. Pour ce service, la Ville leur verse trois francs par nuit. Le débit de limonades diminue fortement : les chariots militaires ne viennent presque plus et, le matin, seuls quelques cabaretiers continuent à en chercher.
Depuis que l’intendance s’est installée à Roncq, les réquisitions pour la brasserie sont payées : hier, deux joints, aujourd’hui deux bidons d’huile et de graisse.
Le froid s’installe et il faut ressortir les pardessus. Les déplacements à Courtrai restent possibles pour la farine, mais le couvre-feu est renforcé : une heure en moins le matin et une heure en moins le soir.
Le soir, le canon gronde avec force. On entend siffler les obus, mais hors de la ville : c’est sans doute l’artillerie allemande qui, par intervalles réguliers, bombarde de Ten-Brielen en direction des Alliés.
Dans le journal néerlandais De Telegraaf, un correspondant raconte sa nuit passée dans les tranchées. « Il est 7 heures, je me réveille au roulement des canons. Autour de moi, des sacs de terre protègent les abris. Partout, de grandes flaques d’eau où flottent des boîtes de conserve vides. Chacun pense à se nourrir comme il peut, à défaut de tables on se sert de ses genoux et de ses dix doigts. Mais le pire, ce sont les rats : de véritables jeunes chiens qui courent par dizaines dans l’obscurité. Tout homme qui garde un morceau de pain doit l’attacher à une corde pour le suspendre hors de portée de ces voleurs affamés. »

