Récolte du foin

À la brasserie Dumortier, l’activité est intense. Chaque jour, cinq ouvriers et cinq soldats s’affairent au brassage. Dans l’ancien magasin à bière, le hangar et la cour, cinq à six soldats, dirigés par un sous-officier et aidés d’une quinzaine de civils, s’occupent de la fabrication de sirops et de limonades. Le hangar et la cour débordent de bouteilles vides. Des rails ont été posés entre l’entrée de la brasserie et la porte arrière de la maison, pour faire circuler des wagonnets qui transportent les fûts jusqu’aux chariots, lesquels sortent par l’arrière, derrière la cuisine.
Au-dessus de l’écurie et du hangar, des chambres sommaires ont été aménagées pour loger une dizaine de soldats. Un balcon, accessible par un escalier, permet de descendre dans la cour. Des fenêtres ont été percées dans les cloisons du grenier, et une cheminée traverse grossièrement la toiture. Les officiers, eux, logent dans la maison du brasseur.
Le jardin n’est pas épargné : deux cuisines de campagne y ont été installées – l’une près du pignon de la maison de Louis, l’autre à l’ancienne chaudière pour chevaux. L’eau est puisée à la pompe de l’écurie. Une maisonnette en bois a même été montée dans le jardin. Le reste du terrain est transformé en couloir de passage pour les chariots. Arbres et arbustes ont été abattus pour y poser des rails et faire passer les wagonnets transportant les bouteilles vides.
La première pelouse est complètement recouverte de caisses et de bouteilles, empilées jusque dans les arbres. La petite cabine du jardin sert de dépôt pour les fournitures de limonade (bouchons, étiquettes, etc.) et a été solidement barricadée. Sur la seconde pelouse, des bouteilles triées s’entassent : on estime qu’en tout, environ 150.000 bouteilles vides occupent le jardin, la cour et le hangar. La troisième pelouse est désormais réservée aux chariots de l’artillerie stationnée à l’estaminet voisin. Ce matin, un cheval s’est échappé de cette écurie et s’est mis à galoper dans le jardin, causant pas mal de dégâts. Le colonel, qui loge dans la maison, est lui-même intervenu pour l’attraper et le ramener.

NDLR : image d’illustration
Pendant ce temps, on fauche le foin.
Le bruit court que certains habitants de Comines garderaient le contact avec les ennemis de l’Allemagne, ce qui alimente bien des murmures.
En Belgique, des civils continuent à creuser des tranchées pour les nouvelles canalisations d’eau.
À Poperinge, on redoute une offensive allemande visant Calais. L’armée anglaise a immédiatement annulé toutes les permissions.
Et à Bruxelles, pendant ce temps, une grande course cycliste de 100 km se tient au vélodrome du Karreveld.