Un grand caveau

Belle gelée.
Enterrement des victimes de la catastrophe de Gathem. Par ordre du commandant de place, nous sommes forcés de célébrer la cérémonie à l’église de Comines-France à 7 h 15 ; c’est le clergé belge qui officie. De toute façon, il serait impossible de placer dix cercueils dans notre chapelle.
Une grande foule est présente, les autorités en tête.
Sont présents : Monsieur le Doyen Charles Lamstaes ; Monsieur Auguste Van Elslande, conseiller provincial ; ainsi que les autorités cominoises : Jules Vander Mersch, bourgmestre ; Henri Lannoy et Émile Roussel, échevins ; Léon Berghe, Albert Béague, Joseph Dumont, Henri Vandoolaeghe, Jean-Baptiste d’Ennetières, Émile Bonte, Henri Masquelin et Dominique Soete, conseillers communaux. Monsieur le Commandant de place von Heusinger assiste également à la cérémonie.
C’est sinistre de voir défiler, au milieu d’une population silencieuse, les corps de ces dix victimes, que l’on enterre au cimetière belge dans un caveau commun. Tous les assistants ont les larmes aux yeux. Au cimetière, quelques monuments ont été endommagés par les obus.

La gare est en partie détruite : deux obus, dont un seul a éclaté, sont tombés sur les magasins de Louis Mahieu ; un autre a atteint les maisons Bourgeois en face de la gare ; un obus a frappé la maison Dumortier, levures ; un dernier est tombé rue de la Gare, sur un terrain vague. Et ce ne sont là que les principaux points touchés.
À 11 h, des avions jettent des bombes près de la gare.
Malgré le temps obscur, un aéroplane revient vers 14 h 30, fait le tour de la place en planant très bas, puis s’éloigne directement.
Quelques minutes plus tard, un obus s’abat sur la « Pomme d’Or », où logent le receveur de la gare, sa femme et leurs quatre jeunes enfants, tous dans la cuisine au moment de l’impact. La maison est traversée de haut en bas et pourtant ses occupants n’ont pas la moindre égratignure. Ils ont déjà reçu des obus de toutes espèces ; cette fois encore, des éclats sont tombés jusque dans la cave. Les maisons voisines sont fortement endommagées et inhabitables. Il tombe encore neuf obus, puis une accalmie s’installe.
Un obus est tombé près du Patronage sans éclater, un autre a frappé la maison Desloover, boucher ; un troisième est tombé une dizaine de mètres plus loin ; un dernier a atteint la scierie Béague.
Le soir, dans les rues, personne — pas même des soldats. On n’a jamais vu Comines aussi calme. C’est effrayant, tous demeurent dans les caves jusqu’à 21 h. Dans la cave de la brasserie Dumortier, une quinzaine de personnes ont apporté de quoi s’installer.
À Comines-France, on s’étonne de la maigre assistance belge aux funérailles de leurs dix compatriotes célébrées de l’autre côté de la frontière.
