Pionnier Park sur la place Sainte-Anne

Les nouvelles sont rares et l’espoir s’étiole. À Comines, l’isolement pèse plus lourd que jamais. Plus de journaux, plus de lettres, plus rien ne filtre du monde extérieur. Chacun sent peser le poids de cette guerre interminable, dont on approche déjà la première année. Voilà bientôt dix mois que la population vit sur la ligne de feu, dans une angoisse constante. Qui, un jour, pourra comprendre l’ampleur de ce que les civils ont enduré ici ?

Ce matin, les épiciers de la ville, toujours emmenés par Joseph Plovier, tentent à nouveau de se ravitailler à Mouscron, Courtrai leur étant désormais interdit. Une tension nouvelle se fait sentir : depuis quelque temps, le mécontentement grandit à leur encontre. En réaction, une « Association des Pères de famille » s’est constituée pour organiser elle-même l’achat et la distribution des denrées. Auguste d’Ennetières patronne cette initiative ; Louis Geuten et Achille Vandewynckèle en prennent la tête. Ils obtiennent un passeport pour se rendre à Mouscron lundi. Leur ambition est claire : ouvrir un magasin d’épicerie au n°1 de la rue de Wervicq, où les marchandises seraient vendues au prix coûtant, après déduction des frais. Certains murmurent déjà qu’il pourrait s’agir là d’un retour déguisé aux anciennes querelles politiques locales.

Une forte explosion a secoué la place Sainte-Anne, dans le « Pionnier Park » installé derrière la cure. Presque toutes les vitres ont volé en éclats. Seules les chambres des officiers sont vite dotées de nouveaux carreaux ; les autres devront patienter. Sur la façade de l’église, un grand écriteau : « Pionnier Park », témoigne de l’occupation de ce secteur par les troupes allemandes du génie.

On devine l’écriteau au balcon extérieur de l’église – Fonds SHCWR

Du Bizet, le curé Dewitte envoie un témoignage poignant. La situation y est désespérée : le village est désormais sur la ligne de front. Les Allemands tiennent la gare du Touquet, les Anglais sont postés tout autour. « Ma magnifique église a volé en éclats », écrit-il. Autel, confessionnaux, cloche et piliers : tout est détruit. Il ne lui reste plus que la Chapelle Rompue pour y dire la messe. La population s’est dispersée ; seules les sœurs et lui tiennent encore bon. Mais jusqu’à quand ? Les obus pleuvent sans relâche sur le Bizet et Armentières. Les avions rôdent dans le ciel. Le curé conclut avec résignation : « Nous attendrons calmement. »

Sources :

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