Obus au Godshuis

Dès le matin, une foule se presse dans les rues pour constater les dégâts laissés par les obus de la veille. À Comines-Belgique, de petits drapeaux rouges sont désormais plantés devant chaque cave afin d’indiquer les lieux où l’on peut trouver refuge lors des bombardements.

Au passage à niveau, à l’extrémité de la rue de Wervicq, sept obus ont éclaté, broyant les rails en mille morceaux. On dénombre neuf civils blessés et une victime mortelle. Pourtant, dès midi, les rails sont déjà remis en état. Rue Masson – aujourd’hui rue de la Victoire –, un obus a ouvert une béance de plus d’un mètre cinquante de diamètre dans le mur pignon d’une maison. Son propriétaire, monsieur Dubois, blessé aux yeux, est transporté à Wervicq. Une jeune fille habitant le café « Au Chemin de Fer » a trouvé la mort dans l’explosion. Dans la prairie Bonte, chaussée de Wervicq, où les Allemands ont installé une scierie et un dépôt de voitures, tout est déjà réparé, comme si rien n’avait eu lieu. Le couvent des sœurs Marie de la Passion, dites sœurs d’Orléans, a quant à lui été entièrement évacué par les troupes, sans remerciements ni dédommagement pour les dégâts causés.

Dans le fond, la rue de la Victoire – ou rue Masson

Dans l’après-midi, le corbillard ramène de Wervicq le corps d’une fille Delbecque, blessée la veille et décédée peu après. Sa sœur, plus chanceuse, n’a été qu’éraflée par un éclat. Alexandre Dubois, dont on craint pour la vue, reste hospitalisé à Wervicq. Debacker souffre d’une grave blessure à la cuisse droite ; la fille Tuyttens a reçu un éclat dans la main ; la femme Verschoore n’a que de légères contusions à la tête.

La journée s’écoule dans l’angoisse, chacun guettant le ciel, redoutant à tout instant de nouveaux obus. Pourtant, le soir venu, les habitudes reprennent timidement : on ose encore se retrouver « À la Fontaine » pour une partie de cartes, comme chaque jour depuis deux mois, et la salle se remplit une fois de plus de civils avides de se distraire.

À la brasserie, les bonnes et les enfants descendent une nouvelle fois dormir à la cave, tandis que la veille encore, les soldats avaient transformé ce même abri en estaminet, où ils ont fait la fête jusque tard dans la nuit.

Pendant ce temps, en France, paraît un nouveau journal satirique, « Le Canard enchaîné ». Né en réponse à la censure et à la propagande officielle, il promet de rire de la guerre et de ses absurdités là où la presse se tait

Sources :

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