Attaque alliée depuis les airs de grande envergure.

La nuit se déroule dans un calme rare. Au matin, les soldats s’occupent de leurs petits jardinets qui entourent les baraquements. Dans le sentier de Ten-Brielen comme dans la rue de la Paix, on admire de véritables décors champêtres : kiosques improvisés, bancs rustiques, cabanes de planches, le tout entouré de barrières faites à la main. Des conduites en ciment, ouvertes dans le sol, permettent l’écoulement des eaux autour de ces habitations de fortune. Ici et là, de petites cantines accueillent soldats et passants, avec tables et abris de fortune. Chaque jour, des concerts animent la vie militaire ; mais dans les rues, ces rassemblements musicaux sont désormais supprimés, à l’exception de celui du dimanche midi sur la Grand’Place. Depuis le départ de l’état-major, le public s’y fait toutefois plus clairsemé.
À Comines-France, une nouvelle interdiction frappe les habitants : il est désormais défendu de transporter pommes de terre et poires, denrées devenues trop précieuses pour circuler librement.
Dans ses colonnes, le journal français La Liberté rapporte une attaque aérienne d’une ampleur inédite. Le bois d’Houthulst, vaste camp retranché allemand entre Ypres et Dixmude, servait de centre d’hébergement et de stockage. Les Allemands y avaient même installé un système complet d’éclairage électrique. Grâce à des prises de vues aériennes, les Alliés avaient repéré chaque point stratégique. Le soir venu, à 22 heures, soixante avions français, belges et britanniques décollent sous un ciel clair de lune. En quelques instants, toutes les lumières du camp s’éteignent ; les canons de défense crépitent dans la nuit. Mais les aviateurs, guidés par la clarté céleste, larguent près de 4.000 kilos de bombes incendiaires. Certains font jusqu’à trois allers-retours pour se réapprovisionner. À 23 h 30, tout le bois et les bâtiments ne sont plus qu’un brasier, illuminant l’horizon d’une lueur infernale.

Au même moment, loin du front, le président de la République Raymond Poincaré se rend à Lyon, où l’effort industriel de guerre bat son plein. Entre l’horreur des flammes au Nord et l’agitation des usines à l’arrière, la guerre impose partout son empreinte.