La solitude commence à peser.

La nuit commence sous les grondements puissants des canons, comme c’est le cas depuis plusieurs jours. Mais vers une heure du matin, la cadence s’intensifie encore : un roulement ininterrompu secoue les environs, en direction de Zillebeke et Gheluvelt, et ce jusqu’à l’aube.
Depuis quelque temps, la vente de bière ralentit un peu partout. À la brasserie, Jean nous concède chaque jour quelques rondelles1 à distribuer. Nous les servons à tour de rôle aux clients fidèles. Ceux qui s’acquittent régulièrement de leur loyer bénéficient toutefois d’un petit traitement de faveur.
L’interdiction de quitter la ville commence à peser lourd sur le moral. Les habitants se sentent prisonniers, sans aucune nouvelle du monde extérieur. Plus aucun journal n’arrive jusqu’à nous.
Un aéroplane allié traverse soudain le ciel de Comines. Les tirs fusent dans tous les sens, provoquant une pluie de projectiles sur la ville.
Plus au nord, dans la région d’Ypres, les Allemands lancent une importante attaque au gaz et font exploser huit mines souterraines. Malgré la violence de l’opération, les lignes alliées tiennent bon.
À Calais, une conférence interalliée se tient pour coordonner les offensives à venir sur les fronts de l’Ouest, de l’Italie et de la Serbie. L’heure approche pour ce qui s’annonce comme la troisième bataille d’Artois.

Sources :
- NDLR. Une rondelle : En Belgique et dans le nord de la France, « rondelle de bière » fait référence à un petit tonneau, généralement en bois, utilisé pour le stockage et le transport de la bière. Ces rondelles ont une capacité variable, mais on peut les estimer à environ 150 litres, bien que cela puisse fluctuer. ↩︎