Difficile de se rendre à Wervicq

À Comines France, tous les hommes âgés de 17 à 50 ans sont désormais tenus de se faire inscrire. Une nouvelle mesure imposée par l’occupant, qui alimente l’inquiétude.
À la brasserie Dumortier, l’heure est au branle-bas de combat. Il faut tout remettre en ordre, car dès demain, les Allemands en prendront le contrôle pour y brasser eux-mêmes.
Depuis plusieurs jours, le front semble étonnamment silencieux. Le grondement des canons se fait rare. Pourtant, dès la tombée de la nuit, du côté de Pérenchies et au sud de Lille, les détonations reprennent, régulières. Le crépitement des mitrailleuses, lui, ne s’interrompt jamais vraiment.
Aux abords d’Arras, un affrontement d’une violence inouïe secoue la région. On estime déjà les pertes à 25 000 hommes, toutes armées confondues. Rien que du côté allemand, 3 000 soldats ont péri, sans compter les blessés et les prisonniers. Deux bataillons allemands supplémentaires sont envoyés en renfort. Les Alliés, en supériorité numérique, tentent une percée. Certains témoignages évoquent même des atrocités commises durant les combats.
Cette violence s’inscrit dans le cadre de la deuxième bataille de l’Artois. L’armée française a lancé une nouvelle offensive pour enrayer la poussée allemande au nord d’Arras. Depuis le 9 mai, et jusqu’à la mi-juin, les troupes françaises parviennent à reprendre la ligne des crêtes de l’Artois — notamment le sommet stratégique de Notre-Dame-de-Lorette, perdu lors des combats de fin 1914.
À Comines, situé à une quarantaine de kilomètres seulement, on entend distinctement le tonnerre des canons de Lorette.
Dans le même temps, les restrictions s’intensifient : il est désormais interdit de délivrer des passeports pour Wervicq.
À Comines toujours, le lieutenant Georg Lill retrouve son logement au 14 rue d’Hurlupin, chez le doyen Lamstaes. Il garde une haute estime pour cet homme qu’il décrit comme raffiné et aimable. Son supérieur, qu’il appelle « le Maître », apprécie également l’accueil de la maison. Deux femmes y assurent le service : la cuisinière, Mademoiselle Philomène Tafin, 50 ans, et sa jeune assistante de 15 ans, Madeleine Vanekere. Georg Lill conservera toujours un souvenir chaleureux de ce foyer, havre de calme au cœur de la tourmente.

