Fête de la Pentecôte

Le jour de Pentecôte s’annonce radieux, mais il ne change rien à notre condition : nous restons prisonniers dans notre propre ville. Toute circulation est interdite au-delà des barrières et du canal, nous cantonnant à nos réunions du dimanche, parfois suivies d’un court moment au café pour rompre la monotonie.
Un Cominois a mis la main sur un numéro de la Gazette de Lausanne : une annonce a particulièrement retenu son attention — un acheteur se dit prêt à acquérir plusieurs millions de cigares de modèle hollandais. Adresse à Adinkerque, en Belgique. Réaction amusée de notre Cominois : « Tiens donc, on fait encore des affaires là-bas ! Je suppose que les réserves de ce brave commerçant ne sont pas tout à fait sur la ligne de front… »
Le ciel reste animé par de nombreux aéroplanes, ce qui alimente les rumeurs d’un prochain changement de troupes : les Bavarois pourraient être redéployés vers leurs frontières et remplacés ici par des Prussiens. Dans les cafés, on commence à manquer de bière. Quelques cabaretiers se débrouillent tant bien que mal en se fournissant en bière de Munich.
À Hooge, sur le front, les Allemands relâchent leurs bonbonnes de gaz contre les positions anglaises. Grâce à leur équipement, les soldats britanniques parviennent à résister, mais il leur est impossible de manger, boire, fumer ou même échanger quelques mots pendant de longues heures. Ce n’est qu’à huit heures que le gaz se dissipe, mais presque aussitôt les bombardements allemands reprennent avec violence.



Georg Lill assiste quant à lui à une messe de Pentecôte destinée aux Cominois. Il note que l’office, bien que solennel, ne semble pas beaucoup mobiliser les fidèles. « En Allemagne, on ferait mieux », pense-t-il. « Ici, on fait beaucoup de bruit pour peu de foi réelle. Et même les soldats catholiques copient ces façons protestantes… » Le soir venu, il reprend la route vers Messines à 21 h.
Enfin, la nouvelle tant redoutée est confirmée : l’Italie entre officiellement en guerre contre l’Autriche-Hongrie, se rangeant du côté des Alliés après le Traité de Londres signé en avril. Déjà, les combats débutent dans les Alpes, marquant l’ouverture d’un nouveau front.