Les cloches sonnent 7 minutes

En ce jour de la Fête du Très Saint Sacrement, la communion solennelle est célébrée à Comines-France. Vers 10 heures, les cloches se mettent soudain à sonner à toute volée, tant en France qu’en Belgique. Elles résonnent pendant sept longues minutes. Après un silence aussi prolongé que pesant, leur tintement remue profondément toute la population.

Cette initiative n’est pas sans surprise. La veille, un émissaire du commandant de place s’était présenté chez Monsieur le Curé Delporte pour réclamer les clés du clocher. Ce dernier avait répondu qu’il ignorait où elles se trouvaient, précisant que cela faisait déjà longtemps que les Allemands les avaient exigées. Les autorités s’étaient alors tournées vers le bourgmestre, mais celui-ci déclina toute responsabilité concernant les cloches, renvoyant à son tour vers le curé. Ainsi allaient les choses désormais : ceux qui disposaient de la force en usaient sans ménagement. Il s’agissait ici de célébrer une victoire allemande à l’Est : la reprise de Przemysl par les Bavarois. Cette ville, située à quelque 300 kilomètres au sud-sud-est de Varsovie, avait été investie par les Russes à l’automne 1914, puis prise par ces derniers le 22 mars 1915 après une bataille contre les Autrichiens. Mais elle venait à présent de tomber à nouveau, cette fois aux mains des Austro-Allemands. Certains, dans un élan d’optimisme, évoquaient déjà une paix prochaine.

NDLR : Brief film of the woods near Przemysl after the Russian retreat, Eastern Front, June 1915. Copyright : https://www.iwm.org.uk/collections/item/object/1060023359

À la brasserie Dumortier, Henry se rend à la Commandantur au sujet de la chambre récemment réquisitionnée. Il tente de conserver le lit pour une naissance imminente dans sa famille, mais il n’y a rien à faire : le lit doit être cédé. Il lui faudra désormais dormir à même le sol ou trouver un matelas ailleurs.

Par ailleurs, l’installation pour la fabrication de limonade, en provenance de Mannheim, est désormais complète.

Aujourd’hui, pour la première fois, la bière est redistribuée aux cabaretiers — mais ce sont eux qui doivent venir la chercher eux-mêmes le matin. Pour ce premier jour, ils n’obtiennent qu’une tonne. Cinq établissements belges ont été désignés : l’« Hôtel de la Gare », la « Ville d’Ypres », « À la Paix » (rue Neuve), « Au Chemin de Fer du Nord » et « À l’Arrivée des Bateliers ». En outre, certains officiers facilitent l’approvisionnement « À la Brasserie ». Les brasseurs belges, quant à eux, n’ont plus voix au chapitre. Peut-être vaut-il mieux ainsi.

Les travaux se poursuivent à la brasserie : on démolit le trottoir arrière pour permettre le passage des chariots. Ceux-ci entreront par la grande porte et sortiront par la palissade du jardin du domestique, que l’on a cassée à cet effet.

Depuis quelque temps, il devient impossible d’obtenir des nouvelles fiables de la guerre. Tout journal est interdit. Le Courrier de Guerre et Het Volk ne peuvent plus être vendus : leurs derniers numéros ont été saisis par la Commandantur. Même les marchands de cartes postales doivent désormais soumettre leurs articles à l’approbation des autorités, qui décideront seules de ce qui peut ou non être mis en vente.

La nuit venue, de violentes attaques sont signalées vers Deûlémont, Hollebeke et Zandvoorde. Elles dureront jusqu’au petit matin, sans répit.

Sources :

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