Un espion à Warneton

Depuis quelques jours, une pluie continue s’abat sur la région. Sur le front, un calme inhabituel règne, un de ces silences rares que la guerre accorde parfois. À la chapelle, les fidèles se pressent nombreux aux offices : il faut arriver au moins vingt minutes à l’avance pour espérer trouver une place.

Jean-Baptiste Delporte – Fonds SHCWR

Juste après les vêpres, on vient prier Monsieur le Curé Jean-Baptiste Delporte de se rendre immédiatement à la commandanture. Il s’y rend sans tarder et y trouve le commandant seul, visiblement de bonne humeur. Souriant, ce dernier le rassure d’emblée :
— Monsieur le Curé, je vous appelle pour une affaire qui pourrait sembler grave, mais qui ne vous concerne pas directement. Soyez tranquille.

Le cœur battant — car un appel allemand est toujours source d’inquiétude — le curé écoute la suite :
— Votre ami, le curé de Warneton, est-il capable de faire de l’espionnage ?
— Pas plus que moi, Commandant, répond-il. Même avec la meilleure volonté, je ne saurais quoi dire d’utile. Je ne connais que ce que tout le monde sait ici.
— Connaît-il nos positions ?
— Pas davantage : Messines, Wytschaete… et encore, c’est très vague.

Le commandant s’explique :
— J’ai donné un passeport à Monsieur Duquesnoy pour Tournai. Il y est allé, et je crois qu’il y a parlé de nos positions. Le commandant de place me demande maintenant où il habite et réclame des renseignements. Vous voyez le climat : on soupçonne de l’espionnage partout, c’est absurde, mais c’est ainsi. Un autre commandant aurait pu le faire déporter. Je vais rédiger un bon rapport.

Il le dicte aussitôt par téléphone, en allemand, mais Delporte comprend l’essentiel : le commandant plaide la bonne foi de Duquesnoy. Après la guerre, le curé de Warneton lui confie que, justement à cette époque, son appartement à Tourcoing a fait l’objet d’une perquisition.
— Maintenant, je comprends pourquoi, dit-il. Et j’ai été sauvé grâce au rapport du commandant.

En déblayant les ruines de l’église détruite en 1917, les ouvriers mirent à jour, en juillet 1924, à l’emplacement de l’ancien chœur de l’abbatiale, trois tombeaux, dont deux offrent un intérêt historique autant qu’archéologique. A droite, le curé J.Duquesnoy – Fonds SHCWR

Pendant ce temps, sur le front, les forces belges et françaises reprennent Steenstrate, perdu lors des attaques aux gaz. Les troupes allemandes battent en retraite et les soldats sénégalais, sans pitié, se battent à l’arme blanche. On commence à enterrer les morts des deux camps, souvent à la hâte, dans des fosses communes.

À Comines France, la fête de la Bienheureuse Jeanne d’Arc est célébrée avec éclat et solennité.

Enfin, en Mésopotamie, la bataille des Collines de Pâques s’achève. Britanniques et Indiens terminent leur offensive contre les forces ottomanes. Les gains restent limités, mais la pression sur l’ennemi demeure constante.

Sources :

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